Le rire de la baleine by Taoufik Ben Brik

Le rire de la baleine by Taoufik Ben Brik

Auteur:Taoufik Ben Brik [Ben Brik,Taoufik]
La langue: fra
Format: epub
Tags: Biographie
ISBN: 9782020475334
Éditeur: Seuil
Publié: 2000-01-15T18:53:41+00:00


C’est dans la vieille ville arabe, à la périphérie des grandes portes de la Médina, Bab Menara, Bab Jdid, Bab Souika, Bab El Khadra, que j’installe mon matelas de gréviste de la faim.

Nous sommes le 3 avril. Il est midi. Place du Zaïm, au 47 rue Abdelwahab à Tunis, à la maison d’édition Aloès, fondée par Sihem Bensedrine. Autrefois, on appelait cette place, Rahbat el ghlem, le souk des Moutons. Elle a été débaptisée à l’indépendance pour commémorer le 9 avril 1938, date à laquelle Bourguiba y avait été emprisonné, après de sanglantes manifestations. Ce jour-là, des milliers de Tunisiens avaient revendiqué « un Parlement tunisien ».

Cette rue serpente le long de petits palais délabrés qui appartiennent aux grandes familles tunisoises, seuls les murs en pierre témoignent de leurs fastes passés. On peut louer ces palais qui menacent ruine pour peu, et même devenir propriétaire pour le prix d’un appartement dans ces cités-dortoirs sans histoires. Des gargotes, des petits cafés ou des petits artisans occupent désormais le bas de ces ‘ali, maisons à étages : menuisiers, garagistes, vendeurs de bicyclettes… Un tintamarre du diable règne dans cet éternel chantier où le bruit des marteaux-piqueurs, s’acharnant sur d’improbables canalisations, se mêle au Coran diffusé par les radios allumées dès l’aube.

Les marchands à la sauvette s’affairent autour de leurs étals bordés de restes de nourriture, de morceaux de lettres déchiquetées, de bandes hygiéniques qui traînent sur ces trottoirs-urinoirs, là où un optimiste a griffonné « Pissez ailleurs ». Bas-fond où se vend clandestinement du vin et où l’on organise des combats de béliers. Sihem Bensedrine se veut beldiya, citadine de souche, fille de la Médina. Posséder un des palais de ce quartier, même délabré, c’est se distinguer des rades villageois, les gens de l’intérieur. Beldiya jusqu’au bout de la langue, Sihem cultive cette appartenance par sa mère, bien que de père jerbien, et par son mariage avec Omar Mestiri, fils aîné d’une vieille famille tunisoise. Cette débrouillarde-née a loué cet hôtel particulier pour y installer Aloès, l’été 1999, avec l’argent des autres, contre l’avis de tous, y compris celui de son époux lassé de financer ses entreprises foireuses.

Sur deux étages, sept vastes pièces donnent sur un hall dit en arabe « assiette de la maison », comparable à un terrain de tennis. Les plafonds y sont hauts et ornés de moulures, le sol couvert de marbre, les murs somptueux sont habillés d’anciennes faïences et les vitres des fenêtres sont des vitraux arc-en-ciel. On se protège de la lumière, du soleil, de l’extérieur grâce à des moucharabiehs en bois anciens peints aux couleurs de la Médina, ce bleu ni ciel ni mer, le bleu de la craie. Férue de brocante, Sihem prétend que ses bancs en bois couverts de tissu de melia, un tissage traditionnel de soie, auraient appartenu au bey. Au deuxième étage, les chambres hébergent des invités et la cuisine reçoit de nombreux convives. Mais cela ne suffit pas pour habiter et habiller cette maison où la lumière ne pénètre qu’avec



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